lundi 2 février 2009

Mercredi 28 janvier - Annick Wilmotte


Bonjour à tous,
Il est 11H15 ce mercredi 28 et nous sommes dans l'avion, depuis une bonne heure. Finalement, ca y est, nous partons en profitant d'une fenêtre de meilleur temps à Novo pour faire le saut de 4100 kms.


A l'aéroport de Cape Town, nous enregistrons les bagages comme pour un vol normal. Sur le grand panneau annonçant les vols, Antarctica est indiqué à côté de Buenos Aires.

Cependant, il y a de petits détails qui diffèrent: notre carte d'embarquement est écrite à la main, à la 'gate' B1 où nous nous rendons, il est écrit 'Antarctica, private charter'.

L'Ilyuchin est un avion cargo aménagé à l'avant pour recevoir des passagers. Il règne une atmosphère spéciale, seulement 4 hublots, des drapeaux qui couvrent les parois, des fils électriques et conduits visibles ou couverts de panneaux en bois. Pour le reste, c'est très professionnel, nous recevons des boissons et sandwiches. Il y a un écran devant avec un projecteur vidéo comme pour une conférence. Nous y voyons les consignes sécurité, le décollage en direct grâce à une caméra à l'avant de l'avion et les données techniques du vol. Ensuite, ce sont des documentaires 'nature', mais sans son. Il faut dire que tout le monde a des protections auditives car le bruit des moteurs est assourdissant. J'avoue être contente que le vol soit en journée, ainsi j'ai eu une bonne nuit et nous n'arriverons pas, groggy à 5 heures du matin.
Après 4 heures de vol, on nous demandera de prendre nos habits chauds, souliers, lunettes, etc... pour s'apprêter pour l'arrivée à Novo.



Michel nous a dit qu'à la Station, la piste est enneigée à cause du mauvais temps des deux derniers jours. Donc, il se pourrait qu'on doive attendre un peu à Novo, que les conditions d'atterissage à la Station soient rétablies. Nous verrons!



Bon, il semble que ce blog de notre trajet vers Utsteinen va devenir un vrai feuilleton. Ce jeudi matin 29 janvier, nous sommes toujours à l'aéroport de Novo. L'aéroport est à 10 kms de la station, au milieu de la glace. Il consiste en tentes, containers, préfabriqués et véhicules divers, allant des skidoos aux tracteurs des neiges.
Hier, nous sommes arrivés vers 16H, temps de Cape Town mais 14H, temps de Novo (Méridien de Greenwich). Les Russes ont déchargé les palettes, boîtes et un tracteurs. Les différentes équipes attendaient pour reconnaître ce qui leur appartenait et le mettre de côté. Alexandre devra attendre la fin pour que son équipement apparaisse. Il y a aussi des caisses pour Irina, Jean et Wim. Pour nous, il y a deux palettes, l'une avec le microscope de terrain et son boîtier que nous voulons prendre en expédition. La seconde contient sous doute le microscope à fluorescence et le binoculaire Leica qui sont destinés au laboratoire de la Station.


Jacques nous a alors annoncé que le temps était trop mauvais à Utsteinen pour partir avant vendredi. Un technicien avec un skidoo et un traineau en bois, a apporté notre matériel près de deux tentes rouges.


C'est là que nous allons loger pendant 2 jours, deux tentes avec 8 lits de camp, chauffées par une sorte de canon à air chaud. Dans le sas d'entrée, nous plaçons les boîtes avec le matériel sensible au froid. Il faut maintenant s'habituer à Novo, en allant manger, une occupation qui nous occupera souvent les jours prochains.
Nous avons la chance d'avoir Irina parmi nous car elle discute avec les responsables russes et arrange une excursion l'après-midi. Nous montons dans un tracteur et sa remorque et allons vers une oasis.

En Antarctique, on appelle 'oasis', les régions déglaciées qui émergent au milieu des étendues glacées. Comme les oasis du désert, elles sont isolées les unes des autres et très riches en vie biologique.

Cette oasis est à quelque distance de l'oasis de Schirmacher, qu'elle surplombe. Ainsi, nous voyons très bien le chapelet de lacs à la couleur très bleue. Ils ne sont pas couverts de glace. Schirmacher Oasis est assez connue et il y a des articles sur la biologie des lacs.
Nous nous promenons et sommes émerveillés de la variété et les couleurs des roches, souvent métamorphiques. Cela veut dire qu'elles sont passées très profondément dans la croûte terrestre où il règne des très hautes températures et pressions. Il y a du quartz, visiblement.
Les biologistes sont à la fête. Cyrille retourne les pierres pour chercher des collemboles. Il trouve seulement des mites et les attrape avec un système de suction. Ensuite, il remet les pierres à leur place. Il y a des lichens, des mousses et des sortes de 'croûtes' enflées et noires qui semblent un mélange de lichens et cyanobactéries. Ne sachant pas où nous allions, nous n'avons pas pris de sachets stériles, et je me contente de prendre des photos. En fait, dès qu'il y a une dépression où l'eau de fonte peut s'accumuler, on voit des formations noires au pied des rochers.


Dominique remarque des roches de quartz avec des couches vertes, ce sont certainement aussi des communautés de cyanobactéries qui donnent cette couleur. En général, on trouve ces communautés à quelques millimètres sous la surface des roches. Quand c'est du quartz, la lumière peut atteindre les organismes et permettre la photosynthèse. Un peu d'humidité les atteint et ils sont protégés des vents forts et des rayonnements UV en étant sous la surface. Ces communautés appelées 'cryptoendolithes' (vivant cachés dans la roche) ont été découvertes dans les vallées sêches de Mc Murdo par un collègue américain, Imre Friedmann.
Entretemps, nous avons un bel exemple, de la variabilité du climat antarctique. Nous sommes arrivés avec un beau soleil, mais voyons des nuages de neige soulevés par le vent à l'horizon. Puis les nuages arrivent et la température descend sensiblement, au moins 10°C selon Jean. Nous remettons vite une couche de vêtements. Au retour, le tracteur se déplace dans une brume blanche, mais le conducteur connait visiblement la route. Il est de nouveau temps d'aller manger.
Ce sera notre première nuit antarctique, à 13500 kms de la Belgique.

Ce jeudi matin, nous consultons les informations météorologiques données par la station allemande de Neumayer. En fait, le beau temps ne reviendra pas avant le début de la semaine prochaine. A Utsteinen, on compte toujours quand même que nous volerons demain matin. Cependant, il faudra une confirmation ce soir.
Entre les repas, il est permis d'utiliser les ordinateurs dans la tente mess, et je suis donc en train de compléter le blog ce matin. Il y a aussi de l'électricité et nous en profitons pour recharger les batteries, échanger les photos, ... Tout cela avec la TV russe en fond.
Le pilote vient discuter avec Jacques et confirme qu'il voudrait commencer à charger l'avion demain matin, vendredi, à 8H. Nous sommes prévenus.

Une opération dramatique a lieu après le diner, quand Cyrille extrait magistralement une écharde de la main de Jeroen. Il utilise son équipement d'entomologiste avec aiguilles, pincettes, etc.... Du coup, nous avons Jeroen à l'oeil au cas où il développerait des appendices bizarres et se mettrait à sauter, signe évident d'une contamination par le virus des collemboles!

Cette escale prolongée nous permet de tester les vêtements, les lunettes. Il faut sans cesse penser à ne rien oublier en quittant la tente: bonnet, lunettes, gants, couches multiples de vêtements... car il gèle et il y a un petit vent mordant. De plus, la neige est éblouissante , il y a beaucoup de rayonnement UV et nous devons nous enduire le visage de produits solaires et mettre des lunettes à coefficient de protection 4. Comme Dries le fait remarquer, on ne sait rien faire 'vite' ici, il faut s'équipper même pour aller d'une tente à l'autre. Dries a fait la lessive, mis une corde à linge dehors et ses vêtements sont déjà solides comme des planches en bois. Jean remarque qu'il aurait dû les mettre du côté du soleil et ensemble, ils déménagent la corde à lessive.

J'espère que, quand vous lirez ce blog, nous serons à Utsteinen!


Annick Wilmotte


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