Grande première pour moi : je vais conduire un skidoo. Jusqu’à présent, j’avais été passagère. Je suis bien évidemment stressée, serrant les dents quand je vois une bosse ou dénivellation. Cyrille, qui fait la voiture balai, me dit que je dois rouler plus vite pour ne pas perdre les autres de vue. Je le comprends, et en même temps, je me sens incapable de faire mieux. Avec le temps et les trajets successifs, je m’aperçois que je fais de moins en moins attention aux bosses, et suis bien plus à l’aise.
Je dois avouer que je n’étais pas enthousiaste quand j’ai réalisé que la destination du jour, Vengen, consistait de nouveau en des lignes successives de moraines, derrière lesquelles se cachait un lac hypothétique, qui semblait reculer au fur et à mesure que nous avancions. De plus, les moraines drapées dans une épaisse couche de neige sont traitresses, le pied qui croyait arriver sur une couche de neige solide, glisse soudain dans un abime entre deux pierres, se tord, ou doit soudain amortir une descente plus forte que prévu. Bref, je sens mes genoux qui protestent, mon humeur qui s’assombrit, … petite déprime. Que suis-je venue faire dans cette galère ? En plus, je me dis que je ne trouverai certainement rien… Il y a des jours comme cela, où le moral est plutôt bas! Les autres sont devant, montent et descendent en cherchant le lac et je m’assieds sur un rocher en me disant qu’’il vaut mieux attendre qu’ils l’aient trouvé pour de bon, et alors, je les rejoindrai.
Effectivement, un lac est trouvé. Je passe des rochers en revue, sans rien voir qui pousse à leur surface ou dessous, car la neige et la glace recouvrent les endroits que je pense potentiellement intéressants. Jeroen a creusé un trou au milieu du lac avec la petite vrille et de l’eau jaillit. Avec Alain, ils la goûtent et m’en proposent. Mais rien de bon ne peut venir de cet endroit calamiteux (:)) ! Jeroen, infatiguable veut faire un autre trou, près du bord. Cela m’intéresserait, car c’est près des rives, qu’il y a le plus de chances de trouver des tapis microbiens, s’ils existent ici. Ces tapis sont constitués de cyanobactéries qui forment la trame du tapis, et dans lequel d’autres microorganismes sont insérés et vivent : algues, bactéries, champignons, etc. Tout cela tient grâce aux polysaccharides, une sorte de mucilage, qui attachent ensemble tous ces organismes. Depuis une dizaine d’années, mon équipe a travaillé sur ces tapis dans le fond des lacs antarctiques (ce qui inclut aussi le rivage). Ici, Jeroen utilise la grosse vrille mais c’est un travail de titan, bien qu’Alain lui donne un coup de main. A la fin, Steve nous rejoint en sortant de ses moraines et dit qu'il voudrait aller à un autre endroit, un peu plus loin. Jeroen finit par dire qu’il arrête son forage sans résultat. La grosse vrille est beaucoup moins efficace que la petite. Le seul avantage, et la raison pour laquelle Jeroen la prend, est que le trou est suffisamment grand pour laisser passer le ‘datalogger’, un appareil avec des senseurs pour mesurer divers paramètres physico-chimiques de l’eau : pH, conductivité, température, oxygène dissous, etc. Cyrille nous dit qu’il a vu quelque chose de vert à l’endroit où il était au début, et nous suivons ses traces. Effectivement, en soulevant des pierres, je vois des traces vertes, sans doute des mousses très petites.
Assises sur un gros rocher, nous mangeons nos tartines avec Karolien. Puis, tout notre petit monde retourne aux skidoos. Nous allons à la moraine suivante, heureusement, avec des rochers moins cahotiques et moins concentrés. Jeroen me passe son piolet, pour mieux garder l’équilibre, puis propose que Karolien et moi, nous n’allions pas nécessairement au lac, et commencions les échantillonages déjà sur le chemin. Ce que nous faisons. Il y a un minerai, appelé 'épidolite' qui crée des tâches vertes sur les pierres, ce qui m'a trompé bien des fois dans ma recherche de 'quelque chose de vert'.
Cela a commencé à Teltet, et c'est René, qui s'y connaît en minéraux qui m'a détrompée. Finalement, je prends deux échantillons dont un avec un lichen orange et une petite mousse.
Annick Wilmotte
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